Séjour Plongée aux Bahamas


Lors de ce voyage, où nous n’avons pas hésité à survoler le triangle des Bermudes un vendredi 13 (il ne faut pas être superstitieux: ça porte malheur !), s’étendait sous les ailes du B767 l’archipel des Bahamas : un groupe de plus de 700 îles s’étirant de la Floride à Cuba. Celles-ci sont basses, sablonneuses, jadis repaires de pirates et aujourd’hui encore peuplées en majorité par des descendants d’esclaves africains. S’il reste bien des maisons de style colonial avec construction en bois et balcons ouvragés, le style de vie est lui, franchement américanisé : gros 4x4, Coca-Cola à tous les repas et en conséquence, énormément d’obèses dans la population.

Ici, le dollar est roi et les boutiques de luxe attendent les cargaisons de touristes américains (obèses eux aussi) qui débarquent des énormes paquebots de croisière pour quelques heures de shopping effréné.

Nous plongions sur l’île de New Providence, où se trouve la capitale des Bahamas : Nassau, au club « Stuart Cove ». Ici, pas de descente à plus de 100 m ni de blocs remplis de gaz mystérieux mais du business à l’américaine : carré, sérieux, efficace. Stuart, le patron, né aux Bahamas a commencé sa carrière en louant ses services aux réalisateurs des séquences sous-marines des premiers «James Bond». Il est ensuite passé des «Dents de la mer» aux «Pirates des Caraïbes», entre autres, avec le même succès. Aujourd’hui, il est à la tête d’une flottille de 15 bateaux et emploie une centaine de personnes. Une organisation rigoureuse lui permet de gérer les plongeurs confirmés, les débutants, les photographes etc. ; chacun ayant son bateau et son équipage attribués.

Dans la marina, le long des appontements, on trouve vestiaires, gonflage club-house, restauration rapide, bar et boutique où moyennant dollars on peut acheter tee-shirts, casquettes, babioles, films, photos etc.

De curieuses machines mi-scaphandres pieds lourds, mi-scooters sous-marins permettent même au non-plongeur d’effectuer une balade sous-marine.

Les spots de plongée sont situés à 5 à 30 minutes de la marina. L’eau est limpide (20, 30 m de visi) et chaude (27°). Les fonds sont typiques des récifs coraliens des Caraïbes : beaucoup de madrépores, de grosses éponges « tonneaux », du corail noir.

La faune est riche. Nous observons ainsi des poissons anges, des raies, des barracudas, des mérous de Nassau - espèce endémique - des caranques et, omniprésents, des requins. Ceux-ci sont des requins gris des Bahamas (Carcharinus peresi) qui, adultes mesurent environ 2 mètres.


De nombreuses épaves ont été immergées. Nous explorons tout à tour un avion bimoteur, souvenir d’un «James Bond», une vedette militaire où deux caranques tournent inlassablement sur le même trajet (pratique pour les photographes), un petit cargo, le Sea Viking aux cales envahies de ptéroïs et même un coffre de pirate ! Toutes ces plongées s’effectuant entre 20 et 30 mètres, pour aller un peu plus bas (37 mètres !) nous irons sur le tombant qui limite le plateau : the tongue of the Ocean (la langue de l’Océan) qui plombe à 2 200 mètres !

Tout autour des épaves, tournent les requins. Ils passent nous voir, indifférents, seuls ou en petits groupes. Nous finissons par en reconnaître certains : Dorsale fendue, Gueule déformée. Ils ne semblent pas très nerveux mais tout va changer car nous allons avoir droit à la grande attraction locale : le Shark Feeding !

Le jour J est programmé vers le milieu de notre semaine de séjour. La première plongée (nous en faisons 2 l’une à la suite de l’autre) nous conduisit à «Shark Area North» où nous retrouvâmes nos indolents sélaciens, accompagnés de raies et de platax. A peine de nouveau à bord : briefing. La monitrice nous explique le topo : nous serons en cercle (nous sommes une quinzaine) à genoux sur un fond de sable à 12 mètres. Entre les jambes, une grosse pierre nous servira de lest. Pas question de se déplacer. Les bras doivent rester collés au corps : une main se baladant pouvant être prise pour une proie ! Les intervenants seront trois : la photographe, le caméraman et le « nourrisseur ». Si l’un d’entre eux à un problème, ne pas bouger : c’est à eux de se débrouiller ! Pendant ce temps, des têtes de poisson sont placées dans une boîte grillagées aux couleurs du club, bien sûr ! Les preneurs de vues et le nourrisseur revêtent des côtes de mailles et un casque pour se protéger des éventuelles morsures ou des chocs dus aux bêtes surexcitées. Encourageant ! Nous nous immergeons et nous plaçons comme prévu. Le nourrisseur et sa boîte arrivent. Tout de suite, c’est la ruée.


Une quarantaine de requins gris se bousculent et nous bousculent. Le nourrisseur, qui n’a pas encore ouvert sa cage, se place alternativement devant chacun d’entre nous. Nous sommes filmés et photographiés au milieu de cet essaim. Le film et les clichés nous seront ensuite proposés à la vente (business is business). Son tour accompli, il se place au centre du cercle, ouvre sa cage et pique sur une tige métallique des morceaux de poissons qu’il distribue. La frénésie commence. Les squales lui passent entre les jambes, sous les bras : toutes les ruses sont bonnes pour se nourrir. Nous-mêmes sommes assaillis, heurtés, certains prennent une «claque» de nageoire, sans gravité heureusement. Les appareils de photo crépitent. L’animal qui a happé un appât est aussitôt poursuivi par quelques congénères. Les bêtes surexcitées passent à quelques centimètres de nous. L’ambiance est démentielle !

Sa cage vide, le nourrisseur retourne en surface suivi par les plus gourmands. Tout devient plus calme, quelques requins tournent un peu autour de nous puis s’éloignent tranquillement. Encore sous le choc, nous regagnons lentement la surface.

Dans le bateau, c’est l’euphorie: quel spectacle! Chacun y va de son commentaire. On visionne les photos : gros plans de requins assurés ! De retour à la marina, nous réglons les 60 dollars de supplément sans aucun regret: nous n’aurons pas souvent l’occasion d’assister à un tel show qui a duré au total près de 3/4 d’heure.

Bien sûr, des esprits chagrins argumenteront que ces animaux ont perdu leur instinct sauvage, qu’ils sont devenus dépendants de l’homme pour leur nourriture et que tout ce cirque n’a qu’un but : le fric ! Certes, tout n’est pas faux, mais d’abord nous avons pu constater que sur la quarantaine de requins présents environ une dizaine a pu attraper un appât : on est loin du gavage !

Quant à moi je pense que, face à la dramatique décroissance des populations de requin due à la surpêche (pour ne pas dire au massacre) alimentant le trafic des ailerons à destination de l’Asie, il serait souhaitable de multiplier les spots de shak-feeding.

Créons des sites devant Hurghada ou Safaga, aux Maldives, à Madagascar et partout où il reste quelques squales. Aux scientifiques qui les étudient de donner des rythmes et des qualités de nourrissage. Aux patrons de clubs et aux moniteurs d’organiser le spectacle. Aux marins, aux autorités et surtout aux populations locales de surveiller ce qui sera devenu une ressource économique non négligeable!

Quand un requin en pleine eau, visible, moyennant finances, de tous plongeurs rapportera plus qu’une bête mutilée et rejetée à la mer, alors les requins seront protégés, seront vivants et le resteront !