L’Indonésie n’est pas une destination bon marché, lorsqu’on la compare à la mer Rouge, mais elle vaut largement le voyage. Surtout, quand tu arrives « on time » à Singapour dans un aéroport tapissé d’orchidées et de moquettes. Avec même une piscine sur le toit pour faire passer les transits ennuyeux. Tu as beau avoir des oursins dans les poches, tu finis par craquer devant la devanture des boutiques. Car il y a des ribambelles d’échoppes à portée de dollars. De quoi rapporter de jolis souvenirs pour le voyage retour…
Environ 3 petites heures pour arriver à Manado, sur l’île de Sulawesi, le temps de sauter dans un coucou d’une dizaine de places.
Des hibiscus, des cocotiers, une végétation foisonnante à te rendre malade de jalousie, toi, qui cultives désespérément ton jardin aux plantes faméliques, en France. Parce qu’il y a une saison des moussons ici, pendant laquelle la pluie ne rigole pas. Elle déferle. La température de l’air de 28°C nous oblige à être tolérant avec cet air chargé d’humidité.
Bref, tu passes une nuit réparatrice dans un petit chalet de bois rudimentaire et ingénieusement conçu. Dans un cadre somptueux. Rappelle-toi le film Indochine avec Deneuve. Et saute à pieds joints dans ce décor. Immense cocoteraie. Pluie diluvienne avec, immédiatement après, des rayons de soleil qui filtrent au milieu des palmes. Belle maison en bois ceinte par une immense terrasse couverte. Des plats aux saveurs de gingembre, lait de coco, citronnelle, curry.
Le lendemain, départ pour le port situé à 1 heure de route de Luwuk. La forêt est inextricable, verte, dévorante. La brume se lève en arrivant au débarcadère. Ce qui t’explique qu’il n’est pas aisé d’obtenir des photos terrestres lumineuses dans ce coin. Soleil voilé, brumes, nuages noirs et averses… Tu veux rapporter des jolies photos à la petite famille et aux copains ? Tu as intérêt à être opportuniste dès qu’un rayon de soleil paraît. D’abord, tu embarques sur le dhoni qui fait office de bateau de plongée. Avec, à bord, compresseur, bouteilles, plomb. C’est là que tu laisses tout ton équipement pendant la semaine de croisière. Puis, ô joie, tu arrives sur un bateau en bois traditionnel avec un charme fou, fou, fou…Tu te sens tout de suite comme chez toi ici.
Ce n’est pas pour rien que l’avenir du marché de la plongée se trouve dans la croisière. Rien que du bonheur ! Manger, dormir, plonger (et b…, si tu as prévu le coup…).
Voilà le maître mot à bord des bateaux de croisière. Alors, ce qui change d’une croisière à l’autre ? Et bien, les repas à bord, c’est important vois-tu. C’est même primordial. Tu te surprends même à attendre le repas suivant avec l’impatience d’un gosse à qui on a promis un bon dessert. Ici, toutes les saveurs de l’Aise sont déclinées. Des nouilles sautées et du riz parfumé mais aussi des crevettes, du poisson et du poulet cuisinés à toutes les sauces.
Bon, et puis quand tu pars en croisière plongée… il y a surtout les plongées. D’une qualité très inégale, selon les coins visités dans le monde. On a même tendance à faire de la boulimie de plongées, actuellement. Avec l’impression que ce qu’on voit, et bien… nos enfants ne le verront peut-être jamais…
Les îles des Togian sont d’origine volcanique et recouvertes d’une forêt invraisemblable… Et bien, sous l’eau, les coraux durs et mous sont dans le même état d’esprit. Débordants de vitalités, en forme de volutes, de doigts, de mains, de paumes, de tables, d’oreilles d’éléphant, de fil de fer, de balai avec brosse, de glycine en fleurs (pour les alcyonnaires mauves). Imagine, plongeur, comme tu vas te régaler ! Mais ne t’attends pas à des cohortes de requins marteaux et à des escouades de raies. Ici, ce n’est pas le but du jeu. C’est le royaume du microcosme. Question faune, rappelle-toi que tu as choisi le pays de Liliput. Avec des vers plats et des nudibranches rayés, colorés, striés, en dentelle, avec des filaments ou en forme de petits boudins. N’oublie pas d’emporter avec toi une loupe, deux baguettes en inox (pour éviter les baguettes usage unique dû à la rouille), ton appareil photo en mode macro et ton masque de vue (si tu en as besoin !). Pourquoi donc les baguettes ? Afin d’éviter de mettre tes grosses paluches sur les coraux ou les bestiaux. Tu écartes délicatement les fleurs des alcyonnaires et tu titilles (avec amour) sans endommager quoi que ce soit. Cela évite d’altérer ces précieux mucus qui tapissent les organismes marins. Ces enduits qui les protègent des maladies et parasites et qui constituent des bases pour que d’autres organismes puissent s’implanter. Les paysages sous-marins sont comme dans tes rêves ! Avec des couleurs ocre, mauves, roses, brunes, dorées, bleutées. Bon , ne te décourage pas : nous avons vu un petit requin furtif, quelques tortues et des perroquets à bosse, ainsi qu’une raie aigle.
Tu débutes la croisière par la Luna. Site idéal de réadaptation pour plongeurs inadaptés. Cobra de mer et platax à longues nageoires. Ensuite, tu joues Robinson Crusoé à Puah, l’île déserte. Joli nudibranche noir à pustules et à rhinophores verts, le Nembrotha à crêtes. Imagine-le en poster géant au-dessus du lit conjugal ! Puis, tu t’éclates littéralement à Dondola. Tombant de 10 à 60 m (ou davantage, personne n’a été voir !). Grottes au nord du tombant avec la présence du Doris de Loch. Celui-ci raffole des éponges. Banc d’idoles maures. Baliste dénommé clown ou miroir, avec le dos noir et de grosses taches blanches sur le ventre. Superbe. Poisson lime (complètement) gribouillé. Cela plane pour toi à Eden, au-dessus d’un tombant à 45°. Vivaneau minuit. Celui-ci chasse sur la pente externe du récif du gros…plancton. Le coquin se transforme totalement lorsqu’il passe de l’état juvénile à l’état adulte. La couleur noire du dos devient mouchetée. Tiens, voici un ver noir constellé de points jaunes. Serait-ce le « ciel étoilé » (Plathelminthe) ? Rends-toi ensuite Bullockii reef. Observe bien le gobie et sa crevette. Car ici, il y a 40 espèces de gobies qui vivent avec leur crevette. Eux aussi partagent les tâches. C’est madame (la crevette de type Alpheus) qui entretient la demeure. Monsieur (le gobie commensal de type Amblyeleotris) fait le guet. Au moindre mouvement d’Amblyeleotris, Alpheus regagne le trou. Pars ensuite faire un petit tour à Malenge. Attention : certains nudibranches ou vers, à partir d’ici, ne sont même plus répertoriés dans les bouquins. Quel bonheur d’être le premier à attribuer son nom à un nouveau spécimen de ver marin ! Quelles douces consonances que le ver Popotin sp. ? Ou le nudibranche Gros Bidon sp. ? Nous avons adoré Dominik Rock. Balade superbe. A la limite du plateau et du tombant, superbes formations coralliennes hautes de plusieurs mètres, à - 45 m (quand même !). Festival de poissons dans un décor de corail noir et d’éponges.
Petite soirée sympa avant de quitter les îles Togian. Tu débarques dans un resort indonésien à Kadidiri. Noyé dans une végétation luxuriante. Patronne chinoise avec un sacré tempérament. Balade-toi autour d’une jolie lagune intérieure en traversant, à pied, les bungalows. Dernière plongée à Gap avant de rejoindre Una-Una. Poisson ange à 6 bandes, large comme tes deux mains réunies. Crabe arlequin. Gaterin malin, noir et blanc. Una-Una est aussi une île volcanique. Située au nord des îles Togian, à 50 mn de navigation environ. C’était une ancienne colonie hollandaise. Il n’en reste que quelques vestiges, complètement effondrés. Des pêcheurs y vivent. Ils reçoivent la visite de quelques européens par an. Des volcanologues bardés de sismographes viennent y prédire quand le ciel leur tombera sur la tête. Pense à nous en arrivant à Appollo. Ce site prolonge la plage vers le large. Pente de sable immense au sud de l’île. Petit jardin corallien. Jusque là, rien de transcendant, me diras-tu ? Question faune et flore, tu vas être transporté au Paradis des Plongeurs. Légion de lutjans. Armée de gaterins. Division de platax. Enormes éponges cratères larges comme des barriques du Bordelais. Infanterie de barracudas. Ils obscurcissent ton horizon. Présence du rason (Xyrichtys pavo) à l’orée du sable. Disparaît en un clin d’œil. Au palier, 3 cocotiers (déracinés) permettent de s’abriter du courant. Parfois, ici, il règne un courant à arracher le masque et le détendeur. Pour plongeur commando. Au nord d’Unauna, tu atteinds Jack Point. Tombant avec une flore très sauvage. Ressemble à une forêt vierge. Luxuriance avec alternance de zone d’ombre et de lumière. Eponge calice ou orgue de 2,5 à 3 m de diamètre avec 6 à 10 tubes sur le même socle. Gorgones de 2 m de diamètre. Promontoire s’avançant dans le bleu à 40 m. Un décor à te couper le souffle. Remontée possible de pélagiques. Petites grottes. Raie léopard. Chasse de carangues. Bonites gros yeux. Lutjans dégoulinant le long de la paroi. Perroquets à bosse.
Et à Turtle Point, un tombant avec des surplombs, situé devant le village, au nord d’Unauna ? Troupeau de 100 spécimens de brèmes noires. Avec surprise du chef : la découverte de Hippocampus bargibanti. Pour les initiés…
Sur le trajet entre Una-Una et les îles Togian, se trouve un atoll en pleine mer, Minpi Dingding. Littéralement « le mur de rêve ». Tu plonges dans une eau cristalline d’une limpidité extrême. D’une telle intensité de bleu, que même l’ordinateur le plus sophistiqué ne peut recréer cette couleur. Mur à te donner le vertige. De beaux souvenirs pour tes vieux jours… Puis, retour entre les 2 plus grandes îles des Togian, pour un mouillage de nuit. Très belles photos d’ambiance à réaliser. Villages sur pilotis dans des brumes matinales. Va-et-vient de pirogues à balancier de toutes les tailles. Au petit matin, le bateau passe par le bras de mer séparant les 2 îles, soi-disant colonisé par des crocodiles marins (mais on n’a pas été voir) Après une heure de navigation, tu descends sur l’épave de l’avion B24 Liberator. Tu apprécieras si tu es fana d’Histoire. Mais comme toute histoire possède une fin, il faut désormais retourner au port d’attache du Paisabatu, Luwuk. En contournant la partie nord-est de l’île de Sulawesi. Là, changement de décor. Montagnes avec alternances de plaques désertiques et de verdure. Avec de l’imagination, tu trouveras une (petite) ressemblance avec le Pays Basque. Au passage, un p’tit plouf sur un site évocateur « l’Entre deux mers ». Zone de rencontre des vents, des courants, des vagues et des poissons … Un jardin japonais d’une grande beauté. Courant à décorner les plongeurs cocus.
Ainsi s’achève ta croisière aux îles Togian. Profite bien de ce spectacle, Plongeur. Car les nouvelles alarmistes des scientifiques de toutes les nationalités, spécialisés dans la météorologie, la biologie, la vulcanologie et l’anthropologie donnent à penser que tes enfants ne connaîtront peut-être jamais ce que tu viens de voir…. A quand la commission spéciale de l’ONU sur l’environnement ?